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Châtaignes rôties

Rarement, un lien semble avoir été établi entre la consommation de châtaignes rôties et l’histoire profonde de l’Amérique du Nord-Est, et pourtant… Au Québec du moins, on semble généralement relier cette consommation aux mœurs européennes. Mais est-ce tout à fait le cas ?

Curieusement, les archives nous démontrent hors de tout doute que de l’État américain de la Géorgie jusqu’au sud du Québec et de l’Ontario, se trouvait un corridor forestier qui abritait plus de 4 milliards de châtaigniers d’Amérique. Surnommé << les séquoias de l’Est >>, on apprend aussi que certains individus faisaient plus de 35 mètres tandis que d’autres étaient si abondants en fruits que leurs récoltes se faisaient à la pelle, imaginez l’abondance que cela pouvait représenter.

Voilà donc un portrait succinct d’un patrimoine de géants. Un patrimoine, qui, ironie du sort, fut complètement décimé dans la première moitié du 20e siècle des causes de la propagation d’un ravageur microscopique; un champignon exotique (cryphonectria parasitica) qui s’est dispersé dans ces forêts primaires à partir d’espèces de marronniers chinois et japonais qui ont été importés par des horticulteurs américains insouciants des risques bactériologiques. Notons ici qu’à l’instar des variétés de marronniers asiatiques, le châtaignier d’Amérique a depuis toujours, été incapable de se prémunir contre l’acide oxalique que sécrète son parasite. Cause à effet, la propagation de ce pathogène aura finalement généré l’une des pires catastrophes écologiques répertoriées au 20e siècle !

Si avec le temps, les squelettes de châtaignier ont légué une place de choix aux chênes, ceux-ci n’ont jamais été en mesure d’égaler la symbiose privilégiée qu’entretenaient leurs prédécesseurs au sein de leur forêt primaire. Cet exit forcé a également mené à un remarquable oubli de notre mémoire collective; un goût indigène qui fut jadis un symbole marquant du passage de l’automne à l’hiver pour bon nombre de Nord-Américains.

Mais de quel goût parle-t-on au juste ici ?

Il est intéressant de pouvoir affirmer que les châtaignes d’Amérique sont distinctes des variétés européennes largement disponibles sur les marchés actuellement. Dans les faits, nos châtaignes indigènes possèdent un plus petit gabarit et leur chair plus sucrée reste passablement croquante même une fois caramélisée. Le goût, pour sa part, évoque singulièrement la carotte. Notons dans un autre d’idée que l’anthropologue Daniel Ellis Moerman, qui a consacré la majeure partie au registre et à la divulgation du savoir-faire de l’Ethnobotanique autochtone nord-américaine, a su retracer un bon nombre d’usages fascinant de la châtaigne chez les Iroquois. À titre d’exemple, ceux-ci faisaient bouillir des châtaignes qu’ils broyaient ensuite. Mais durant cette même opération, ils prenaient tout aussi grand soin d’écumer, puis réserver l’huile des châtaignes qui remontait à la surface. Cette huile servait ensuite à aromatiser leur pain de maïs par exemple. Preuve inéluctable de leur grande estime envers ce condiment, celui-ci s’ingérait même dans les rituels de guérisons de leur très secrète société des faux-visages. À quand la résurgence de l’huile de châtaigne en Amérique ?  Mais enfin, qu’en est-il de l’avenir du châtaignier d’Amérique toujours classé comme espèce en voie de disparition ?

Des initiatives sont effectivement en cours pour le rétablissement du châtaignier d’Amérique. Celle qui retient cependant le plus l’actualité est celle du College of Environmental Science and Forestry de l’État de New York où un groupe dirigé par le biologiste William Powell travaille à développer une nouvelle génération de châtaignier d’Amérique qui serait résilient aux sécrétions d’acide du champignon ravageur en question qui est toujours présent dans l’environnement. Pour y arriver, cette équipe s’affaire à introduire un gène provenant du blé qui est responsable de la production d’une enzyme (l’oxalate oxydase) dans le génome du châtaignier d’Amérique, et ce, afin que celui-ci puisse par lui-même enrayer la production d’acide oxalique que sécrète son parasite. Toujours en attente d’approbation, cet arbre pourrait devenir le premier arbre génétiquement modifié (OGM) à être homologué, puis replanté à grande échelle dans la nature sauvage. On vous avoue que sur ce sujet sensible, nos opinions tergiversent, mais ça, c’est une tout autre histoire…

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